25 janvier 2018
Els Guiamets (Catalogne, Espagne, Europe)
Un Stolperstein pour Neus Català, 102 ans
Il y a 102 ans, le 6 octobre 1915, Neus Català i Pallejà naît au 3,
carrer Nou (rue Neuve) de la commune catalane Els Guiamets, située à 37 km à
l’ouest de Reus, province de Tarragone, généralité de Barcelone, Espagne,
Europe. On entre dans cette modeste maison par une petite porte en bois dont le
haut, vitré, est protégé par une grille en fer forgé.
Jeudi 25 janvier, à 11 heures, un petit
cortège s’avance lentement. À sa tête, Neus Català, conduite
en chaise roulante, est heureuse de retrouver la rue de son enfance, mais aussi
de rencontrer l’artiste allemand Gunter Demnig, né en 1947, connu pour avoir
honoré les victimes de la persécution nazie par la pose de plus de 61.000 Stolpersteine dans au moins 21 pays
d’Europe.
Gunter présente à Neus son Stolperstein.
Sur la face qui restera visible d’un pavé de laiton rutilant est inscrite la
mention :
« Aqui
visqué Neus Català Pallejà – Nascuda 1915 – Deportada 1944 – Ravensbrück –
Alliberada » (« Ici
vécut Neus Català Pallejà, née en 1915, déportée en 1944, Ravensbrück, libérée ».
Neus Català est photographiée avec l’artiste qui montre la face gravée de
son Stolperstein : « C’est un
honneur de mettre une pierre à Neus
Català, car il y a peu de pierres qui peuvent être posées pour des
personnes encore en vie ».
L’artiste allemand met en place son petit chantier. Dans un trou
carré du dallage de la rue, qu’il remplit d’une petite truelle de mortier, il
pose son œuvre, l’enfonce avec un petit marteau de carreleur, puis il scelle le
pourtour. Il est filmé, photographié et, conformément à la tradition, il est le
seul à travailler quand 50 personnes le regardent.
La pierre dépasse légèrement du niveau du sol. Littéralement, Stolperstein veut dire « pierre à
trébucher ». La pierre de Neus est la quarante-et-unième posée en Espagne
par l’artiste allemand. La plupart rendent hommage à des Républicains espagnols
réfugiés en France, engagée dans l’armée française, faits prisonniers de guerre
par l’armée allemande et transformée en déportés politiques au camp de
concentration de Mauthausen (Autriche), contrairement à la convention de
Genève.
Margarita Català, fille de Neus, a pris la parole en ces
termes : « La réalité actuelle,
dans de nombreux pays d’Europe où la xénophobie et l’extrême droite lèvent la
tête, montre le grand besoin de la mémoire ».
Miquel Perelló, maire d’Els Guiamets, a
également pris la parole pour féliciter Neus Català et Gunter Demnig. La
chanteuse Marina Rossell a interprété sa chanson « L’emigrant » en l’honneur
de Neus.
© Manuel Rispal, 28 janvier 2018.
© Photos Margarita Catal à, 25 janvier 2018.
***
Le 9 février 2007, alors que nous étions
journaliste à La Montagne – Centre France,
nous avions écrit un petit article sur Neus, qui venait d’être élue Catalane de
l’année 2006.
Née en 1915, Neus Català a été élue,
samedi dernier [5 février 2007], à Barcelone, « Catalane de l’année 2006 par un
jury de lecteurs du journal « El
Periodico » et de téléspectateurs de la chaîne TV3.
Engagée politiquement avant et pendant la
guerre d’Espagne, Neus Catala a fait partie de ces milliers de réfugiés espagnols
arrivés en France après la chute de la République. Elle ne tarda pas à
reprendre la lutte en Dordogne où elle a connu son mari, Albert Roger.
Elle a eu comme mission d’assurer la liaison
avec des résistants et des maquis, notamment en Corrèze. Elle a raconté son
histoire dans "La Résistance et
de la Déportation (50 témoignages de femmes espagnoles", paru en 1995.
Les rendez-vous avec son contact s’effectuaient devant le théâtre de Brive,
avec la tactique des amoureux. Le couple s’asseyait à une table de restaurant
et, pendant qu’ils discutaient, ils se passaient les messages sous la table. À
charge, pour l’agent de liaison, de parcourir des dizaines de kilomètres à
pied, à bicyclette ou en autobus.
Elle a également séjourné dans l’exploitation
agricole tenue par les Rodriguez, à Saint-Mexant, près de Tulle. Mais, avec son
mari, elle a été arrêtée, en novembre 1943, internée à Périgueux, puis, durant
deux mois, à Limoges. C’est sous son nom de femme mariée, Neige Roger, qu’elle
a été déportée à Ravensbrück où elle est arrivée, le 3 février 1944, par moins 22
degrés. Elle y a connu Geneviève de Gaulle (qui a préfacé le recueil de
témoignages), avec laquelle elle a noué amitié au camp de concentration.
Transférée ensuite au Kommando d’Holleischen (en actuelle Tchéquie), elle a eu le même
parcours que beaucoup de déportées auvergnates. Parmi elles, la Riomoise
Madeleine Moreau-Tourette. « Je me souviens très bien de Neige. Nous restions
en groupe par région pour nous soutenir ».
MANUEL RISPAL
La
Montagne Centre France du 9
février 2007
Madeleine Moreau-Tourette est récemment
décédée. Parmi les 12 Espagnoles déportées faisant partie du même convoi, seule
Sabine Gonzales, née en 1918, a été transférée comme Neus au Kommando d’Holleischen.
© Manuel Rispal, 28 janvier 2018.